« Notre projet Alpha nous a donné un retour annuel moyen de 17,5 % au cours des trois dernières années. »
– Le PDG

Plusieurs voudraient bien s’enorgueillir d’une telle affirmation! Le retour sur investissement — Return on investment en anglais, auquel on réfère souvent par l’acronyme R.O.I.— est l’ultime mesure de la performance en affaires. D’un côté, on investit des dollars et de l’autre, plus rapidement on en retire en excès de la somme investie, plus on a un R.O.I. positif.

Le principe est simple. Cependant, les analyses du R.O.I. négligent souvent un important facteur : l’humain.

Cette humble contribution de ma part vous apportera peut-être un éclairage nouveau sur la façon d’appliquer ce concept. En effet, si vous ajoutez une touche un peu plus humaine au R.O.I., vous verrez qu’il peut cacher une valeur stratégique insoupçonnée.

Le fou du R.O.I.

Calculer un R.O.I. demande une bonne dose de connaissances financières et un tableur bien monté, certes. Et à calculer un R.O.I., on peut facilement tomber dans le panneau des innombrables scénarios et itérations. De quoi en perdre la tête.

Or, le fou du R.O.I. risque de courir à sa perte en transformant ses analyses, à la base sérieuses et pertinentes, en jongleries sans fin. Autrement dit, à partir d’un certain point, l’effort analytique peut se diluer en futilités. Or, question : le R.O.I. doit-il renvoyer son fou?

Les R.O.I. mages

Réponse : non car la mesure financière demeure essentielle, de même que l’analyse par scénario et l’anticipation stratégique sont des bonnes pratiques d’affaires.

En fait, une décision — d’investissement ou autre — comporte son lot de conséquences : sur les gens qui exécuteront la décision, sur les pratiques usuelles qui devront s’adapter à un nouveau marché, à une nouvelle machinerie, etc. Les impacts intangibles d’une décision sont souvent pris à la légère, quand ils ne sont pas carrément ignorés!
Le plus avisé des gestionnaires saura prévoir l’impact global de ses décisions. Il en anticipera tous les effets. Il saura aussi juger de la valeur et de l’importance. Bref, il saura aller au-delà de la seule mesure traditionnelle de valeur actuelle nette. Il aura le courage d’aller voir dans l’invisible et d’aller toucher l’intangible.

C’est ainsi qu’un investissement prometteur sur la base de son R.O.I. prévu pourra être rejeté ou reporté parce que le risque humain est jugé trop important.

En élargissant l’angle d’analyse et en évaluant plus globalement que d’un strict point de vue financier les notions d’investissement et de retour, le meilleur stratège pourra mieux juger du véritable mérite d’une décision. Il pourra en faire une évaluation plus holistique.
Il saura aussi reconnaître la véritable essence : les humains qui feront de ces chiffres la réalité souhaitée.

R.O.I. et maître

Pour prendre une décision d’investissement plus éclairée, il faut donc tenir compte du fait qu’investir, c’est bien plus que de placer de l’argent sur la table. C’est beaucoup d’énergie personnelle investie, de fatigue endurée et accumulée et de temps écoulé. C’est beaucoup d’effort pour s’adapter et accepter le changement. C’est un engagement humain considérable.

L’investissement est donc constitué de bien plus de facteurs que des seuls dollars. Pour le stratège aguerri, le coût se mesure réellement sous toutes ces facettes.

Le retour, lui, c’est bien sûr le profit financier. C’est aussi un ensemble de facteurs intangibles qui ont leur importance :

  • un processus allégé, amélioré;
  • une connaissance plus vaste, une compréhension plus vive, un apprentissage de plus dans la banque d’expériences,
  • un capital intellectuel d’entreprise bonifié;
  • une attitude nouvelle, une perception positive;
  • un gain en assurance et en estime personnelle;
  • une motivation ragaillardie.

Ce sont ces dimensions, qu’on sait pertinentes et difficiles à chiffrer, qui sont de fait à la base du rendement. Peut-être, donc, devrions-nous y accorder une plus grande importance. Ainsi, en considérant davantage les aspects humains d’une décision, on verra que ceux-ci pourront tempérer les analyses techniques.
Le principe du R.O.I. est fondamental et incontournable. Il est peut-être sage de le pousser un peu plus loin.

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En passant, ce PDG du début, il a brûlé tout son monde pendant ces trois années. Aujourd’hui, il doit investir beaucoup de temps à se reconstruire une équipe. Comptera-il cet « investissement » dans son prochain calcul?